Etiemble et les poils du Bouddha, un bouddhisme occidental.

Publié le par DANANCIER Yves

 
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".. malgré le grand bond en avant de la grande révolution culturelle, je m'obstine à soutenir que le confucianisme et le bouddhisme font partie de la civilisation chinoise !"  Etiemble
 

La dévotion aux poils du Bouddha m'agace. Mais pour peu que j'évoque la société que le Bouddha tentait de convertir, un monde où le rituel et le système des castes commandaient toute vie, j'oubliais les dents, les os, les poils de Gautama, pour ne me rappeler qu'une chose : grâce à lui des brahmanes .. devinrent de simples moines qui frayaient sans scrupule avec des artisans, des cultivateurs, des blanchisseurs, des vidangeurs. Je me rappelais un texte de M. André Barreau .. "Ce n'est ni au brahmane, ni au noble, ni au bourgeois, ni à l'esclave qu'il s'adresse, mais à l'homme dépouillé de sa défroque sociale .. Le bouddhisme fut en effet sans doute la première doctrine à concevoir clairement et à soutenir l'idée de la responsabilité consciente et individuelle .. Voilà la raison profonde de l'universalisme bouddhique, qui transparaît si bien dans l'extrême diversité des conditions sociales de ses premiers adhérents."

Oui, je me sentais enclin à contresigner Nietzsche : "Le bouddhisme est cent fois plus réaliste que le christianisme. Il a accepté la responsabilité de poser les problèmes d'une manière objective et calme. Il a vu le jour après un développement philosophique de quelque cent ans. Aussitôt que l'idée de Dieu apparaît, elle a déjà rendu l'âme. Il n'y a pas de prière, non plus que d'ascétisme, pas d'impératif catégorique, enfin pas de contrainte, même pas de communauté claustrale. C'est pourquoi le bouddhisme n'incite point à faire la guerre aux autres religions. C'est justement contre les sentiments de revanche, d'animosité et de ressentiment que l'enseignement bouddhique s'oppose d'une manière vraiment impressionnante." Il y aurait là-dessus beaucoup à redire .. mais je comprends que Lévi-Strauss ait subi la tentation. Moi aussi, je la connus." (172,3)         

 

Etiemble "Quarante ans de mon maoisme, 1934-1974" Gallimard 1976

Lire aussi :  Etiemble, Mao Zedong, Bouddha, Confucius et la Chine.

 

Etiemble poursuit par la critique des moines pèlerins en quête d'écritures et de récits merveilleux de ce "panthéon bouddhiste" encore en constitution à ces dates. Les pages qu'il consacre alors à Lin-Tsi, célèbre pour ses provocations, "si vous rencontrez le Bouddha, tuez le Bouddha", et qui reste aujourd'hui encore un "produit d'appel" pour le bouddhisme zen ; des pages qui nous permettent de toucher du doigt un univers moins conventionnel, moins conformiste que ses "héritiers" ne le donnent à méditer.

Le Nirvana et la transmigration ne sont qu'illusion ;

Il n'y a ni cette rive-ci ni l'autre rive.


Lire aussi : Han-shan, poète chinois de l'époque Tang (VII°s). Naissance du bouddhisme zen.           
 
Un bouddhisme occidental ?          
"Depuis l'ère Meiji, notre école [sôtô] a coopéré à la conduite de la guerre." Déclaration de repentance de l'école sôtô (1992)

La quête d'un bouddhisme débarrassé de l'histoire et des cultures des pays de son épanouissement, débarrassé de ses compromissions, est sans doute une recherche vaine, comme elle l'est pour d'autres religions ou d'autres idéologies(a). L'engagement des bouddhistes Zen japonais dans la seconde guerre mondiale (lire) en est l'illustration extrême, l'illustration d'une culture aristocratique de fidélité à l'empereur.

Mais ce qui m'importe ici, c'est que de même qu'il existe une parole du Christ, .. de Marx qui ne sont pas réductibles au catholicisme ou au marxisme, il existe une parole du Bouddha qui n'est pas réductible au bouddhisme. C'est à dire de paroles qui ne sont pas réductibles aux principes d'institution d'une idéologie, les fameux "bâtons merdeux".

Deux livres pour participer à votre réflexion,

- "L'enseignement du Bouddha" de Walpola Rahula, Poche seuil.

- "Le bouddhisme libéré des croyances" de Stephen Batchelor, Bayard 2004 (lire)

et les activités de l'association Terre d'Eveil


(a) Ainsi le fondateur de l'école laique et de la conquète coloniale, ce "devoir supérieur de civilisation", Jules Ferry, n'était il pas moins membre d'une secte clandestine, la "franc-maçonnerie", à cette époque.
 
Le poil qui cache la fourrure.          
Je n'ai pas la prétention à définir ce qu'est le bouddhisme mieux que le fait ici la petite communauté Sri-Lankaise du Bourget. Par contre, le fait de m'en tenir, pour cette définition, à la tradition du Theravada ("petit véhicule") est bien un choix personnel argumenté par quelques études.         

"Le Bouddhisme n’est pas une croyance au sens traditionnel du terme ; c’est un mode de vie, Le Bouddhisme une manière de se comporter vis-à-vis des choses, des personnes et des événements, en actes, paroles et pensées, une hygiène mentale radicale conduisant non pas une « adaptation » au monde ou à un refus du monde mais à une transcendance de celui-ci. Il n’impose pas de suivre aveuglément une série de propositions  dogmatiques mais invite à « voir », constater et comprendre par l’expérience personnelle  afin  d’agir armé d’une sagesse toujours plus profonde.

Cette sagesse est la vision directe dans la véritable nature de tout ce qui existe : impermanence, insatisfaction et vide de réelle substance, seule cette sagesse nous permet d’aller jusqu’au bout dans l’implication de ces trois caractéristiques. Elle conduit au détachement et au renoncement à toute idée de « moi », et permet de détruire les racines de toute souffrance : haine, convoitise et illusion. .."

(Lire la suite)

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BANGLADESH - Seprembre 2012

   

Publié dans Livres "Société"

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